Nous avons désormais un code minier qui sort de nulle part. Sur la base d’une procédure exceptionnelle et d’une succession de remises en causes grossières de la charte de l’environnement l’Etat revient sur les permis exclusifs de recherche. Le gouvernement a été autorisé en 2009 à agir sur la base d’ordonnances, mais dans cette procédure le code minier n’était pas prévu et il faut une loi pour le réformer. Donc, une loi reste nécessaire. Or, en trois semaines le texte réformant le code minier a été adopté en conseil des ministres et il est paru au journal officiel. Il devait y avoir une grande urgence pour agir ainsi et répondre à la volonté des industriels détenteurs des permis exclusifs. Mais pour le moment il n’y a toujours pas de loi, c’est pour cela que nous avons saisi le Conseil d’Etat. Bien entendu, si la loi était votée au Parlement le Conseil d’Etat ne serait plus compétent.
Pierre Morel-à-L’Huissier, député UMP de la Lozère et Pascal Terrasse, député PS de l’Ardèche ont créé mardi un comité de surveillance et de précaution sur le gaz de schiste et appellent d’autres parlementaires à les rejoindre. Comment réagissez-vous à cette initiative ?
A priori, c’est une bonne initiative. On ne peut pas considérer le problème d’un point de vue politicien. Il s’agit d’une affaire qui menace les territoires. Des régions entières pourraient se voir bouleversées dans leur mode de vie, dans leur environnement, dans le droit des propriétaires et des habitants en général. C’est de l’avenir des territoires dont il s’agit et il est évident que je soutiens ce genre d’initiative.
Les ministères de l’industrie et de l’écologie ont suspendu les travaux jusqu’à la conclusion d’une étude dont les résultats sont attendus pour la fin du mois mai. Cette décision n’est-elle pas de nature à lever les inquiétudes ?
Très franchement, tout cela n’est pas sérieux. Il y a eu un effet médiatique avec ce que les ministres appellent un moratoire, mais en réalité il n’y a pas de moratoire et c’est plutôt le bon vouloir des industriels qui prédomine. Aucune mesure n’a été prise pour les arrêter. Je ne crois pas au sérieux d’une étude sur les conséquences environnementales de l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique faite en quelques semaines, en deux ou trois mois comme annoncé. Les américains se sont donnés deux ans pour faire une étude sérieuse. Ce n’est pas en deux mois qu’on aura les éléments nécessaires. Les ministres ne condamnent pas l’exploration.
Le 7 février dernier le Conseil de l’Union européenne a recommandé aux états membres d’évaluer leurs réserves de gaz et de pétroles non conventionnels. Comment entendez-vous agir en tant qu’eurodéputée ?
J’essaye de faire mon travail en m’inscrivant ma réflexion sur l’énergie sur le long terme. Je considère comme une priorité d’améliorer notre efficacité énergétique de 20% et de privilégier les énergies nouvelles et renouvelables. Plus longtemps nous irons dans le sens des hydrocarbures plus nous rendrons difficile, long et coûteux le processus de reconversion énergétique.
La recherche et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels fait l’objet d’une vaste compétition industrielle et financière dans le monde. Peut-on rester à l’écart ?
Ce n’est pas parce que beaucoup de gens font des bêtises que cela nous donne une bonne raison d’en faire autant. Nous sommes face à une forme de néocolonialisme qui consiste à vouloir s’approprier les terres pour en exploiter les ressources souterraines. Mais cela pourrait provoquer des secousses ; des secousses non pas géologiques ou sismiques mais politiques. On ne peut pas comparer les zones géographiques entre elles, en France il s’agit de territoires denses. On voit bien ce que ça a donné avec l’exploitation du charbon. Ce n’est pas pour rien si on assiste à une telle levée de boucliers contre les projets.