Les limites de l’approche volontaire sur la réduction des pesticides
Selon Olivier Mora, ingénieur de recherche à la Direction de l’expertise, des perspectives et des études de l’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement (INRAE), la démarche volontaire pour réduire l’utilisation des pesticides a eu un effet limité en France où le tonnage se maintient entre 60 et 70 000 tonnes, et en Europe où il stagne autour de 350 000 tonnes depuis une décennie. Cette observation met en évidence la nécessité d’un changement de paradigme, passant par une approche innovante basée sur des systèmes agricoles sans produits chimiques.
Collaborations multisectorielles pour relever les défis et obstacles
Les chercheurs ont collaboré avec divers acteurs tels que les ONG, les coopératives, les associations d’agriculteurs, les associations professionnelles et les entreprises agroalimentaires afin de déterminer les étapes à suivre et surmonter les obstacles rencontrés dans ce domaine. C’est notamment grâce aux habitudes de consommation des consommateurs – leur désir d’aliments sains, de moins de viande et de repas moins transformés – que les agriculteurs vont pouvoir adapter leurs méthodes et que l’industrie agroalimentaire devra ajuster ses processus de transformation des fruits, légumes et céréales.
Cette démarche est fermement soutenue par l’Union européenne (UE), la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), car elle contribuerait à réduire les maladies chroniques telles que l’obésité, le diabète ou les maladies cardiovasculaires.
Un projet européen ambitieux pour réduire l’utilisation des pesticides
Il prévoit une réduction de 50% de l’utilisation de pesticides d’ici 2030 dans le cadre de sa stratégie « Du champ à l’assiette » proposée par la Commission européenne. Un débat animé oppose les partisans qui estiment qu’abandonner les pesticides nuirait à la rentabilité agricole et menacerait la souveraineté alimentaire de l’UE, et ceux qui plaident pour une intégration des impacts sur la biodiversité, l’environnement et la santé humaine dans une approche One Health.
Trois voies possibles pour diminuer notre dépendance aux produits chimiques
- Le passage généralisé à l’agroécologie, favorisant la gestion des ravageurs au niveau du paysage grâce à une grande diversité de cultures et une meilleure compréhension des espèces en contact avec les plantes.
- L’étude des holobiontes – les associations entre plantes et micro-organismes – et des microbiomes du sol, qui offrent un large éventail d’interactions bénéfiques, neutres ou néfastes pour les plantes.
- La voie du milieu : une meilleure connaissance des relations entre les plantes et leur microbiote pour assurer la santé des plantes sans nuire à l’environnement.
La deuxième voie est la plus originale et nécessite d’importants besoins de recherche. L’idée consiste à comprendre comment les microorganismes s’organisent en communautés dans le sol pour interagir avec les plantes, afin de réduire l’utilisation de produits chimiques tout en maintenant la santé des végétaux.
Comprendre les interactions entre les plantes, leur microbiote et les bioagresseurs
Christophe Mougel, chercheur à l’Institut de génétique environnement et protection des plantes de l’INRAE à Rennes, estime que la compréhension de ces interactions est primordiale pour élaborer des solutions durables. Parmi les pistes étudiées, on trouve notamment les produits de biocontrôle, les stimulateurs de défense des plantes et les biostimulants qui agissent sur l’environnement des plantes en repoussant les attaquants, en favorisant les organismes bénéfiques ou en modulant l’immunité des plantes.
Collaboration et innovation : un avenir florissant pour une agriculture durable
Depuis les années 1970, de nombreuses recherches ont été menées sur les bactéries du sol, qui sont abondantes et complexes. Par exemple, la maladie du « prenant racinaire » affectant les racines du blé peut être combattue grâce aux processus écologiques limitant ses populations par l’action de bactéries productrices d’antibiotiques.
Pour Christophe Mougel, il est essentiel de développer ce champ de recherche pour réduire notre dépendance aux pesticides tout en préservant la santé des plantes et l’environnement. En somme, une voie du milieu basée sur la collaboration scientifique et l’innovation pourrait permettre de concilier rentabilité agricole, sauvegarde de la biodiversité et protection de la santé humaine.